Les jeux du cirque médiatique
Un grand nombre d’informations erronées ont circulé pendant et sur l’éruption de l’Etna, en juillet et août. Certains articles étaient si mauvais qu’il me semble nécessaire de revenir sur ce « volcano - journalisme »
A en croire cette presse, j’aurais vu une foule épouvantée de 5 000 personnes s’échappant du village de Nicolosi, dans un mélange de panique et de désespoir. Qu’ai-je vu pendant mon séjour sur l’Etna et Nicolosi ? Des Siciliens déterminés qui renouaient avec leurs anciennes traditions
en restant près du front de coulée, à 4 km au Nord de leur ville : c’est une vieille tradition que d’emporter des morceaux de lave brûlante afin d’être en paix avec le volcan et d’éloigner la menace de destruction de leurs maisons. La vie quotidienne des habitants de Nicolosi était plus que détendue, malgré l’afflux de touristes attirés par le spectaculaire ; à leur différence,
les Siciliens vivent depuis des siècles avec les phénomènes naturels.
Je ne veux pas blâmer les envoyés spéciaux ou les journaux : de la presse de boulevard aux quotidiens de référence, des nouvelles télévisées du jouir aux magazines, les événements de juillet sur l’Etna étaient en général infestées par un virus, celui de l’incompétence. Il semble que
ce soit aussi une tradition de toujours de la presse internationale que de déformer ce qui se passe. Mentir afin d’avoir une information exclusive sur le volcan peut être un moyen efficace d’être dans le coup.
A en croire la presse, je ne pourrai plus prendre un café à Sapienza. Un journal allemand de référence a affirmé qu’il avait été totalement détruit, information diffusée sur toutes les télévisions allemandes. En réalité, seule la station d’arrivée du téléphérique a été sérieusement
endommagée, ce qui n’est pas du tout la même chose… Oui, parfois, la presse peut déplacer les centres touristiques et les téléphériques : peut-être la prochaine fois supprimera-t-elle tout l’Etna…
J’avais remarqué les années précédentes un intérêt très limité pour le côté réellement fascinant des activités de l’Etna (et ne me dites pas qu’ils n’existent pas !). J’en suis arrivé à la conclusion qu’un volcan n’intéresse la presse que s’il détruit ou tue, afin d’avoir à bon prix une histoire sensationnelles. Si les destructions
Hotre seul centre d’intérêt, messieurs les journalistes, soyez assez aimables pour décrire aussi l’autre versant des choses…
Thorsten Boeckel ,Translation: Alain Catté
Autre bon exemple des dérives médiatiques : le traitement fait par la presse de la fameuse procession qui a eu lieu en juillet à Nicolosi. Pour les journalistes étrangers, la population, désespérée devant l’imminence de la destruction de sa ville, n’avait plus d’autre recours qu’une dérisoire tradition séculaire, dans une sorte de régression aussi
pittoresque qu’aberrante. La presse sicilienne s’est insurgée devant cette interprétation : la vérité est que les habitants de Nicolosi se sont retrouvés dans cette procession (qui n’a fait que le tour de l’église) non parce qu’ils croyaient qu’elle influerait sur l’éruption de l’Etna, mais parce que dans cette épreuve ils avaient besoin d’être ensemble, de rester soudés.
Alain Catté
